samedi 15 février 2014

37. W16. 26 octobre 1941 Rapport du commissaire Delgay au Secrétaire général de la police

Archives des Cinquante Otages de Nantes (1941)
26 octobre 1941
Rapport du commissaire Delgay au secrétaire général de la police à Vichy


Classement







Je transcris ci-dessous un document des Archives départementales de Loire-Atlantique.
Référence :
Fonds 1694 W Affaires de guerre
Dossier 16 : attentat du 20 octobre 1941.

Les astérisques renvoient à des notes (sous la transcription)


TRANSCRIPTION
Dactylographie

« 
MINISTERE DE L’INTERIEUR                                            ETAT FRANÇAIS
POLICE JUDICIAIRE                 Copie                 NANTES, le 26 OCTOBRE 1941




                                                 Le Commissaire Divisionnaire
                                 Chef de la 1ère Brigade de Police judiciaire
                                                  (en mission à Nantes)

                          à Monsieur le CONSEILLER d’ETAT, SECRETAIRE GENERAL
                                                 pour la POLICE
                                                                                     A VICHY


Homicide volontaire
avec préméditation, sur la
personne de. M. le Lieutenant
Colonel HOTZ, Feldkommandant
de Nantes.


Pour faire suite à mes messages téléphoniques
et conformément à vos instructions, j’ai l’honneur
de vous exposer ci-après, les résultats obtenus,
jusqu’à ce jour, dans l’enquête relative à un homicide
volontaire avec préméditation  sur la personne
de M. le Lieutenant-Colonel HOTZ, Feldkommandant
de Nantes,

Dès mon arrivée à NANTES, dans la matinée
du 21 courant, je me suis présenté, à 8 H 30 à la
Préfecture de la Loire-Inférieure pour prendre
contact avec M. le PREFET. En l’absence de celui-ci
retenu par les Autorités militaires allemandes,
j’ai été reçu par M. JACQUET, Chef de cabinet auquel
j’ai communiqué mon ordre de mission ayant pour
objet la coordination des enquêtes effectuées par l
les services de police au sujet de l’affaire en
cours.

J’ai eu, quelques instants après, un entretien
avec mes collègues, M.M. LEMOINE, Commissaire
Central, et ROBIN, Commissaire Principal Chef de
la Police Spéciale, lesquels m’ont mis au courant
de l’affaire et communiqué le dossier de l’information
judiciaire.

L’examen du dossier permettait d’établir ce
qui suit :
Le 20 courant, vers 7 H 45, alors qu’il
s’engageait dans la rue du Roy Albert, face au N° 1 de
la dite rue, près du Magasin « Art et Miroir », M.
le le Lieutenant-Colonel HOTZ, Feldkommandant
de Nantes, accompagné d’un Officier de l’Armée allemande,
était frappé mortellement de deux coups de
revolver tirés par un individu marchant derrière
lui. Les deux projectiles avaient atteint l’officier
supérieur dans le dos et la région du cœur.

Le Fk était décédé des suites de
ses blessures.

L’assassin et son compagnon, dont on possédait

FEUILLET 2

un vague signalement, avaient aussitôt pris la fuite,
traversant la place St-Pierre, s’engageant dans la
rue du Portail leur trace avait pu être, momentanément,
suivie par un témoin de l’attentat, un sieur
BARIL, Marcel, 35 ans, employé au Service des droits
de place de la Ville, demeurant 1, rue Geoffroy Drouet
à Nantes.

Aussitôt alerté, M. LEMOINE, Commissaire Centrale,
assisté de ses adjoints, du service anthropométrique,
et du personnel de Sûreté de la Police Municipale,
effectua de minutieuses constatations. D’actives recherches
furent aussitôt entreprises de concert avec
la Police Allemande et le personnel de la Police
Spéciale.

Dès 9 heures du matin, des barrages étaient établis
aux diverses entrées de la ville par la gendarmerie ;
les gares d’Orléans et Etat, gares routières, quai
Duquesne, place du Bouffay étaient surveillées par des
groupes d’inspecteurs de sûreté ayant pour mission
d’inspecter les immeubles voisins des lieux du crime
Et d’interpeller et appréhender, au besoin, tous individus
dont le signalement pouvait correspondre avec
celui, assez vague, indiqué par les premiers témoins.
Il s’agissait de deux individus de taille à peu près
identique, 1 m 65 environ, faible corpulence ; tous
deux en veston sombre, l’un portant un pantalon plus
clair que l’autre, tous deux chaussé d’espadrilles
ou chaussures à semelles de caoutchouc.

Des fouilles furent effectuées, notamment dans les
immeubles de la rue de Briord, et vers 12 H 45, au N° 11
de cette voie, une cave située sous les magasins
DECRE fut l’objet d’une visite minutieuse de la part
de plusieurs inspecteurs assistés par la Geheim (sic)
Feld Polizei. Cette visite avait été motivée par le
fait qu’un delle ROY, Marie, 22 ans, qui, se trouvant
au restaurant de l’Amicale DECRE, avait descendu
l’escalier de l’immeuble et entendu trois coups sourds
frappés à la porte donnant accès à la cave. Une voix
d’homme lui avait demandé d’ouvrir la porte et de
passer la clef dessous. Cette personne s’exécuta mais
le résultat fut négatif. La dlle ROY avait alerté
aussitôt les policiers qui firent irruption dans la
cave, véritable galerie souterraine servant d’abri de
défense passive ; ils la visitèrent, de fond en comble,
sans découvrir la moindre trace du passage des individus
recherchés.

Mais, à l’issue des recherches, il fut aisé de
constater qu’une porte coulissante donnant accès aux
magasins DECRE permettait de sortir sur la rue de la
Marne en passant par la maison de commerce. Dans ces
conditions, les individus suspectés avaient pu facilement
prendre la fuite, trompant la surveillance de la
police.

Attendu qu’il s’agissait très vraisemblablement
  
FEUILLET 3

des auteurs de l’attentat, dont l’un avait demandé à la
dlle ROY « Est-ce que le allemands sont toujours d
dans la rue de Briord ? », l’enquête fut poursuivie activement
d’après ces faits, par les soins du Commissaire de Police
Judiciaire SOUTIF de la 13° Brigade de Rennes.

C’est ainsi qu’après plusieurs constatation minutieuses
faites dans les caves et dépendances, ce Commissaire,
accompagné de M.M. LEPAGE et YVONNET, Commissaires Principaux
et d’inspecteurs, fit établir par le service anthropométrique
de la Sûreté nantaise, un plan détaillé des
lieux permettant de reconstituer, approximativement, le
chemin parcouru par les individus suspects. La rapidité
avec laquelle avaient été déclanchées (sic) les recherches
avait mis les meurtriers dans l’obligation de trouver un
refuge provisoire dans les  caves très vastes du 11 de la
rue de Briord.

Des empreintes utilisables furent recherchées et sur
un manche de pelle, posé contre le mur attenant à l’entrée
des caves, il fut découvert des empreintes digitales paraissant
assez nettes ; ces empreintes se détachaient sur
une mousse humide recouvrant le manche, en bois, de ladite
pelle.

Cette découverte pouvant présenter un sérieux intérêt
pour l’enquête en cours, la pelle fut saisie ; des
reproductions photographiques furent faites, et, le 24
courant, je faisais transporter, d’urgence à Paris, la
pièce en question aux fins d’examen par le Service de
l’Identité Judiciaire de la Préfecture de Police, alerté
auparavant.

Dans l’après midi du samedi 25 courant, le Service
de l’Identité m’avisait que les recherches dactyloscopiques
tout en s’avérant difficiles, n’étaient pas impossibles.

Le jour de mon arrivée à NANTES, j’avais participé
entre Midi et 13H.30, à une conférence tenue à la Feldkommandantur,
présidée par un Officier Supérieur, assisté
d’autres officiers ; j’étais accompagné de M.M. LEMOINE,
Commissaire Central et LE PENNEC, Chef de la Sûreté, qui
venaient rendre compte de l’enquête de leurs services.

Le lendemain, 22 courant, sur instructions téléphoniques
de M. l’Inspecteur Général des Services de Police
Judiciaire à VICHY auquel je rendais compte du déroulement
de l’affaire, j’alertais les 13°, 4° et 3° Brigades
de Police Judiciaire, à Rennes, Angers et Rouen, pour
obtenir l’envoi immédiat de Commissaires et inspecteurs
de ces trois services. Et, dès le lendemain soir 23, se
trouvaient à pied d’œuvre à Nantes, 21 fonctionnaires
de police judiciaire qui prenaient part aux investigations
sous le contrôle de M.M. LEPAGE et YVONNET, Commissaires
Principaux, Chefs des 13° et 4° Brigades.

Ces renforts de personnel m’apparaissaient indispensables
pour mener dans de meilleures conditions l’enquête
qui s’avérait des plus difficiles ; d’autant plus que les
autorités supérieures allemandes avaient fait entendre

FEUILLET 4

clairement au Commissaire Central et à son cher de la
Sûreté, qu’ils les rendaient responsables de la non
découverte des auteurs du crime. Or, je tiens à signaler
l’activité inlassable, de jour et de nuit, dont avaient
fait preuve M.M. LEMOINE et LE PENNEC.

C’est ainsi que le Jeudi 23, lendemain de l’exécution
des 48 otages, j’ai eu une entrevue prolongée avec un
Officier supérieur de la marine allemande, représentant
le Général en Chef des troupes d’occupation auquel j’ai
communiqué l’ordre de mission dont j’étais porteur. Au
cours de cette nouvelle conférence qui s’est écoulée de
Midi à 13H.45, en présence du Conseiller de Justice Militaire
SCHUSTER, de plusieurs officiers de la Geheim Feld
Polizei et Felgendarmerie (sic) et des Commissaires LEMOINE et
LE PENNEC, j’ai exposé les principales phases de l’enquête,
les mesures d’investigation préconisées par mes
soins et assuré que l’activité de police : municipale,
spéciale et judiciaire était totale ; enfin que l’impossible
serait tenté pour la découverte des meurtriers.

Cette conférence s’est terminée sur uen note d’apaisement
et de confiance.

En me retirant, j’ai préconisé une liaison continue
entre les services de police allemande et français, décidant
d’organiser deux entrevues, chaque jour, matin et
soir, avec M. le Conseiller SCHUSTER, à la Felkommandantur
à l’effet de communiquer les résultats de l’enquête judiciaire.
J’ai tenu, journellement, au courant de l’affaire
M. le PREFET REGIONAL d’Angers, et M. le PREFET de la
Loire Inférieure qui a bien voulu mettre à ma disposition
tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de ma
mission. Cette semaine, j’ai eu plusieurs entretiens
avec M. le Procureur de l’Etat à Nantes.

Jusqu’à ce jour, de nombreuses opérations judiciaires
ont dété réalisées, tendant à rechercher les meurtriers.
En accord avec les autorités allemandes de police, les
investigations ont été poursuivies, chaque jour, jusqu’à
2 ou 3 heures du matin, dans tous les milieux (communistes,
anticollaborationnistes, à tendance gaulliste,
étrangers, suspects (polonais, espagnols etc….).

De nombreuses visites d’hôtels, et meublés, débits
de boissons ont été effectuées, simultanément dans plusieurs
quartiers de NANTES et banlieue ; dans le centre de
la ville, quai de la Fosse, rues Beauregard, Bois Tortu,
Fourcroy, Héronnière, St-Nicolas.

De nombreuses personnes ont été interpellées et dans
une seule journée, 238 identités contrôlées. Les perquisitions
effectuées en vue de découvrir des tracts, armes,
munitions, ou tout objet de provenance suspects, n’ont
amené aucun résultat permettant d’être exploité pour les
besoins de l’information. Les gendarmes allemands ont,
assez souvent coopéré à ces opérations.

De multiples perquisitions ont été pratiquées, sans

FEUILLET 5

sans désemparer, dans les localités ci-après, au domicile
d »e militants communistes ou suspectés d’activité quelconques :
à COUERON, à BASSE-INDRE et à REZE.

Plusieurs jeunes gens appartenant aux milieux
universitaires à tendances anti-collaborationnistes, ont été
appréhendés, gardés à vue et interrogés. Quelques documents
attestant des sympathies aux menées gaullistes ont
été saisis sur l’un d’eux qui a été laissé en liberté
après avis des autorités allemandes et du Parquet.

Il est procédé, journellement, à des enquêtes à la
suit de la réception, au Commissariat Central de Police
de Nantes, de lettres dénonciatrices visant des personnes
dans tous les milieux ; mais le plus souvent, le résultat
des enquêtes devient sans objet.

Malgré les efforts déployés dans cette affaire, aucune
précision n’a pu être obtenue, jusqu’à présent, permettant
l’identification possible des meurtriers du Feldkommandant
HOTZ.

Il apparaît de plus en plus, que l’attentat serait
plutôt l’œuvre d’individus envoyés spécialement à NANTES
PAR UNE ORGANISATION TERRORISTE ;

Depuis le 23 courant, je me tiens en contact téléphonique
permanent  avec M. le Commissaire Central de Bordeaux
et M. le Commissaire Divisionnaire, Chef de la 7+ Brigade
de Police Judiciaire, aux fins d’échanger tous renseignements
utiles, en raison du meurtre d’un Officier allemand,
identiques à celui de NANTES. Toutes indications intéressantes
seront exploitées, sans délai.

                             LE COMMISSAIRE DIVISIONNAIRE
                                         Chargé de mission

                             (signature manuscrte et tampon)

Autorités informée :
M. le PREFET, délégué de M. le SECRETAIRE GENERAL pour la
Police à Paris,
M. L’INSPECTEUR GENERAL des Services de Police Judiciaire
à VICHY,
M. le PREFET de la Loire-Inférieur, à NANTES,
M. le COMMISSAIRE CENTRAL à BORDEAUX,
M. le PROCUREUR de l’ETAT à NANTES. »

Notes


































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